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Les chroniques

Top 5 de mes lectures de 2021

C'est l'heure de mon annuel top 5 des livres que j'ai lu dans la dernière année. J'en profite au passage pour vous souhaiter une excellente année 2022, de bonnes lectures, du temps en famille et une année où vous pourrez accomplir ce que vous voulez. Voici donc mon palmarès :

5. Green Philosophy, Roger Scruton

La nature, l’environnement, les changements climatiques sont parmi mes centres d’intérêt les plus importants. J’étudie dans le domaine et je compte bien travailler à la protection de la nature. C’est pourquoi je suis plutôt triste quand je vois le discours environnemental dominant : il ne mène à rien. Ce n’est pas avec la durabilité, les éoliennes et la décroissance que nous conserverons notre environnement. Le discours punitif qui est celui qui domine est non seulement faux, mais contre-productif. Dans ce livre, le grand philosophe Roger Scruton montre pourquoi le conservatisme est mieux équipé que tout le reste pour faire face aux enjeux de protection de la nature.

That, it seems to me, is the goal towards which serious environmentalism and serious conservatism both point – namely, home, the place where we are and that we share, the place that defines us, that we hold in trust for our descendants, and that we don’t want to spoil.

Une lecture que je recommande fortement à quiconque veut penser la question environnementale sérieusement.


4. De l'inégalité parmi les sociétés, Jared Diamond

J’étudie en géographie. Ce qui me confronte régulièrement à des questions comme : « quossé ça la géographie ? » ou encore « t’étudie les capitales des pays ? ». Pour ceux qui se poseraient ces questions et qui seraient intéressés à plonger dans la grande aventure humaine, ce livre est excellent. Un mélange de géographie, d’archéologie, de génétique, de biologie et bien plus vous explique pourquoi l’histoire a été si inégale pour les différents peuples dans l’histoire de l’humanité.

Nous savons tous que l’histoire a évolué de manière très différente pour les peuples des différentes parties de la planète. Treize mille ans se sont écoulés depuis la fin du dernier âge glaciaire : certaines parties du monde ont créé des sociétés développées fondées sur l’alphabétisation et l’usage d’outils métalliques, d’autres ont formé des sociétés uniquement agricoles et non alphabétisées, et d’autres encore sont restées des sociétés de chasseurs et de cueilleurs avec des outils de pierre. Ces inégalités historiques ont jeté sur le monde une ombre épaisse, parce que les premières de ces sociétés ont conquis et exterminé les autres. Alors que ces différences forment la base de l’histoire du monde, leurs raisons demeurent incertaines et sujettes à controverses. Cette énigmatique question des origines m’a été posée, voilà vingt-cinq ans, sous une forme simple et personnelle.

Un excellent livre qui pourra assouvir (temporairement au moins) la curiosité scientifique et historique d'à peu près n'importe qui!


3. L'invention de la nature, Andrea Wulf

Alexander Von Humbolt est un nom très peu connu. Complice de Goethe, précurseur de Darwin, influence de Bolivar, ami de Thomas Jefferson, il est à la base de la science d’aujourd’hui. À travers ses voyage et ses rencontres, l'auteure rend ce personnage vivant et accessible au lecteur.


Il est comme le dit le titre de l’ouvrage, l’inventeur de la nature tel que nous nous la représentons :


Dans les lettres écrites la veille du départ, il explique ses projets. Comme les explorateurs qui l’avaient précédé, il voulait collecter des plantes, des graines, des roches et des animaux. Il déterminerait la hauteur des montagnes, la longitude et la latitude, et prendrait la température de l’eau et de l’air. Cependant, le réel but du voyage, disait-il, était de découvrir comment « toutes les forces de la nature s’enchaînent et s’entrecroisent » — c’est-à-dire de quelle manière la nature, organique et inorganique, entre en interaction. L’homme doit s’efforcer d’atteindre « ce qu’il y a de bon, et de grand », écrivait Humbolt dans sa dernière lettre d’Espagne, « le reste dépend du destin ».

Cette vision de la nature tend à se perdre au profit d’une vision comptable ou les rayons irisés qui traversent la nuée qui nous surplombe se transforme en le concept flou et général de climat et de PPM de carbone dans l’atmosphère. Il est temps, je pense de retourner aux sources, et d’écouter l’inventeur de la nature que l’auteure Andrea Wulf fait parler avec tant de finesse :

Les montagnes réjouissaient l’âme de Humbolt. Ce n’était pas seulement l’activité physique qui lui plaisait dans ces ascensions ni la possibilité de parfaire ses connaissances. Il y avait aussi une forme de transcendance. Quand il grimpait sur un sommet, ou une crête, il était tellement ému par le spectacle qui s’offrait à lui que son imagination le portait encore plus haut. Une imagination, disait-il, qui calmait les « blessures profondes » que la « raison » seule parfois créait.

2. Les Carnets du sous-sol, Dostoïevski

Ce livre aurait très bien pu se retrouver en première position. Le grand Dostoïevski nous fait la plus grande des mises en garde face aux idéologies utopiques en nous offrant un personnage et un propos intemporel. Un grand livre qui nous offre des leçons que nous devrions écouter si nous ne voulons pas reproduire les horreurs du passé.



Ce serait pire pour nous, si nos prières délirantes se trouvaient exaucées. Tenez, essayez donc, mais oui, donnez-nous, par exemple, plus d’indépendance, déliez-nous les mains à tous, élargissez le champ de nos activités, relâchez la surveillance et nous… je vous assure : la première chose que nous ferons, c’est de redemander qu’on nous surveille. […]
Mais ouvrez donc les yeux ! Nous ne savons même pas où il vit, ce vivant-là, et ce qu’il est vraiment, et comment il s’appelle ! Laissez-nous seuls, sans livres, et nous serons tous perdus, abandonnés, nous ne saurons pas à quoi nous accrocher, à quoi nous retenir : quoi aimer, quoi haïr, quoi respecter, quoi mépriser ? Même être des hommes, cela nous pèse — des hommes avec un corps réel, à nous, avec du sang ; nous avons honte de cela, nous prenons cela pour une tache et nous cherchons à être des espèces d’hommes globaux fantasmatiques. Nous sommes tous mort-nés, et depuis bien longtemps, les pères qui nous engendrent, ils sont des morts eux-mêmes, et tout cela nous plaît de plus en plus. On y prend goût. Bientôt nous inventerons un moyen pour naître d’une idée.

Mention honorable : Cosmos, Michel Onfray

Un livre coup de cœur d’un philosophe que j’aime beaucoup. Retrouver une connexion avec le cosmos et se faire étranger aux livres qui nous en éloigne. Qui sait, on peut peut-être même y trouver un certain réconfort face aux incertitudes de l’existence humaine.




Avec les étoiles, mon père m’enseignait le temps et la durée ; avec les anguilles, l’espace et les migrations. La clarté de l’étoile Polaire inscrivait ma vie d’enfant dans les durées de l’infini ; les ondulations de l’anguille dans celles d’une planète où tout est en relation de bonne intelligence naturelle. La voûte étoilée au-dessus de mon village et le clapotis de l’eau de la rivière qui grouillait d’une vie préhistorique, voilà qui me permettait d’entrer dans un monde vivant — et de m’y installer durablement. L’enfant que je fus est le père de l’adulte que je suis ; et mon père, le père de cet enfant. La Grande Ourse et la petite anguille conduisent plus sûrement une âme en train de se faire vers les ontologies utiles que les livres qui, bien plus tard, les en détournent. Je ne savais pas à quel point ces leçons de choses imprégneraient ma matière grise.


1. Le meilleur des mondes, Aldous Huxley

On se réfère souvent à 1984 comme la plus grande dystopie et celle qui prédit avec le plus de finesse le monde qui est le nôtre. Mais après la lecture de ce livre, je considère que 1984 vient deuxième. 1984 prévoit les mécanismes à l’œuvre : la novlangue, le double langage, la surveillance perpétuelle, l’enseignement de l’idéologie, l’instrumentalisation des médias… Le meilleur des mondes prévoit la philosophie au cœur même de ces mécanismes. Le monde sanitaire qui est maintenant bien implanté chez nous est un reflet de toutes les craintes d’Aldous Huxley. Un livre important qui nous permet de comprendre et de nous libérer de notre monde devenu une dystopie. Permettez-moi une longue citation pour terminer ce palmarès.

Je m’intéresse à la vérité, j’aime la science. Mais la vérité est une menace, la science est un danger public. Elle est aussi dangereuse qu’elle a été bienfaisante. Elle nous a donné l’équilibre le plus stable que l’histoire ait enregistré. Celui de la Chine était, en comparaison, désespérément peu sûr ; les matriarcats primitifs mêmes n’étaient pas plus assurés que nous ne le sommes. Grâce, je le répète, à la science. Mais nous ne pouvons pas permettre à la science de défaire le bon travail qu’elle a accompli. Voilà pourquoi nous limitons avec tant de soin le rayon de ses recherches, voilà pourquoi je faillis être envoyé dans une île. Nous ne lui permettons de s’occuper que des problèmes les plus immédiats du moment. Toutes autres recherches sont le plus soigneusement découragées. [...]
Le savoir était le dieu le plus élevé, la vérité, la valeur suprême ; tout le reste était secondaire et subordonné. Il est vrai que les idées commençaient à se modifier, dès cette époque. Notre Ford lui-même fit beaucoup pour enlever à la vérité et à la beauté l’importance qu’on y attachait, et pour l’attacher au confort et au bonheur. La production en masse exigeait ce déplacement. Le bonheur universel maintient les rouages en fonctionnement bien régulier ; la vérité et la beauté en sont incapables. [...]
C’est alors que la science commença à être tenue en bride, après la Guerre de Neuf Ans. À ce moment-là, les gens étaient disposés à ce qu’on tint en bride jusqu’à leur appétit. N’importe quoi, pourvu qu’on pût vivre tranquille. Nous avons continué, dès lors, à tenir la bride. Cela n’a pas été une fort bonne chose pour la vérité, bien entendu. Mais ç’a été excellent pour le bonheur. Il est impossible d’avoir quelque chose pour rien. Le bonheur, il faut le payer. [...]
— Mais je n’en veux pas, du confort. Je veux Dieu, je veux de la poésie, je veux du danger véritable, je veux de la liberté, je veux de la bonté. Je veux du péché.
— En somme, dit Mustapha Menier, vous réclamez le droit d’être malheureux.
— Eh bien, soit, dit le Sauvage d’un ton de défi, je réclame le droit d’être malheureux
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